Trois-Rivières

Témoignage : Nos ainés face au COVID-19

Fin 2019, Roland et Émilienne Celmar partent en croisière. À leur retour, ils découvrent qu’ils ont contracté le coronavirus.
Voici leur histoire…

Comment avez-vous vécu l’année 2020 face à la pandémie ?
M Celmar : Très très mal parce que nous avons rencontré énormément de problèmes. Je suis passé par la réanimation au CHU et cela s’est très mal passé

Mme Celmar : En fait, nous sommes partis en croisière. C’était prévu de longue date. Nous partions avec un couple d’amis qui lui arrivait de Nantes. Nous nous sommes renseignés en amont car nous avions entendu parler de cas de COVID sur une autre croisière. Nous avons cherché à annuler les billets achetés en décembre 2019. L’agence a refusé d’annuler sous prétexte “qu’il n’y avait pas de COVID en Guadeloupe”. Mieux, nous avons consulté notre médecin traitant qui nous a dit que nous pouvions partir tranquilles « Pas de COVID en Guadeloupe ! » Nous sommes des personnes âgées. Nous avons écouté ces « précieux conseils ». Nous avons récupéré nos billets et en quittant l’agence, j’ai dit en riant « Et bien vous viendrez à notre enterrement ! » Finalement, nous sommes partis. La croisière s’est bien passée. Mais croyez-moi, nous étions équipés ! Virapic, herbe à pic et citron… On en prenait tous les jours. Matin, midi et soir. Nous prenions également des comprimés de Doliprane 2 fois par jour à titre préventif. On avait nos thermomètres pour surveiller notre température !

Vous étiez donc malades sur le bateau ?
Nous n’étions pas malades. Mais nous étions inquiets en fait. La maladie s’est déclarée à notre retour. Nous étions dans un hangar. Il y avait une espèce de réunion avec la Directrice de l’ARS, le sous-préfet, un médecin du SMUR. Nous avons eu droit à une conférence pour nous expliquer gestes barrières et autres restrictions sanitaires. Ils nous ont remis des imprimés et ils nous ont confinés chez nous pendant 14 jours en spécifiant qu’ il fallait absolument les appeler à la moindre fièvre. Ils nous ont également dit qu’ils nous appelleraient tous les jours. Ça n’a jamais été fait. Personne ne nous a appelé. Le lendemain, mon amie tombe malade. Le surlendemain, mon mari tombe malade. J’ai appelé l’ARS tous les jours pour signaler ces deux cas comme demandé à notre arrivée. Devinez leur réponse ! « On ne peut pas tester tout le monde ! On ne teste que les personnes gravement malades » On ne savait pas qu’il était gravement malade…Comment savoir sans test ?

Concrètement, comment s’est passée la prise en charge ?
J’ai menti. J’ai été obligée de mentir sur les conseils d’un ami qui travaille dans le milieu médical. J’ai appelé l’ARS en disant que mon mari respirait mal et que de mon côté, j’avais des vomissements, de la fièvre et des maux de gorge etc…

On me répond : « Je vous envoie les pompiers pour votre mari »
Et moi ? « Pas de prise en charge pour vous Madame »
« Mais j’ai de la fièvre et des vomissements ! Notre amie – partie en croisière avec nous – est déjà décédée. Son époux est lui aussi malade et hospitalisé » Rien à faire ! Pas de prise en charge pour moi !

Dans cet état de peur, d’angoisse, comment la situation a-t-elle évolué ?
Mme Celmar : Les pompiers ne sont partis qu’avec lui. Le fils de mon mari est venu avec moi en direction des urgences du CHU. On m’avait dit d’insister et de dire que moi aussi j’étais malade. On commençait à parler de cluster. Je reste persuadée que nous avons contracté le virus dans le hangar. Tout le monde était coincé l’un sur l’autre.

M Celmar : Ils m’ont embarqué en disant qu’il fallait aller au CHU. J’étais complètement dans les vapes. C’était limite. On m’a envoyé tout de suite en réanimation.

Mme Celmar : Imaginez-vous ! En partant à 2 heures du matin, un médecin dit à son fils et à sa petite fille « Allez l’embrasser parce que vous ne le reverrez plus ! » Le même médecin a également dit qu’il était inutile de l’intuber, ça ne servira à rien. Pour eux il était déjà mort !

M Celmar : Je suis resté sous oxygène pendant 16 jours. J’étais très contrarié. Le pire c’est que pendant mon hospitalisation, j’ai entendu une conversation au cours de laquelle quelqu’un disait que Mme Celmar était décédée…Imaginez mon état ! Jusque là, je n’avais aucunes nouvelles de mon épouse ! Je n’ai pas demandé confirmation…J’avais trop peur de la réponse ! On ne m’a jamais dit que j’étais hospitalisée à Basse-Terre. C’était terrible. Une fois guéri, ils m’ont envoyé aux Eaux vives à Matouba

Mme Celmar : De mon côté, j’ai été hospitalisée pendant 10 jours au CHBT puis je suis moi aussi montée aux Eaux vives où nous avons été confinés ensemble, dans la même chambre pendant 1 mois et demi.

Après cette phase, comment s’est passé le retour à la vie « normale » ?
Mme Celmar : Nous étions méfiants. Le médecin nous a dit que nous étions guéris et immunisés – mais on ne sait pas pour combien de temps – d’éviter de rencontrer des gens pour ne pas être re contaminés. Nous avons une consultation de suivi tous les 3 mois au CHU.

M Celmar :Cette maladie… C’est long et difficile. Il y a des séquelles. Douleurs, perte de poids… Aujourd’hui, on ne peut pas dire que la vie est redevenue normale. Ça ne sera jamais comme avant….

Bientôt une nouvelle croisière ?
Mme Celmar : Non
Mme Celmar : Il dit non moi je ne dis pas non. J’aime les voyages ! Maintenant, en conclusion, je tiens à dire que je ne suis pas contente de l’ARS. Ils ne nous ont jamais contacté. Si mon beau-fils n’avait pas été là, je serais retournée chez moi avec le coronavirus… Imaginez la suite pour moi ! Nous avons eu une très mauvaise prise en charge. Ils ont sous-estimé la gravité de notre cas à tous les deux. Nous étions 4. Une personne décédée et 3 malades. Si ce n’est pas un cluster ça, qu’est-ce-que c’est ?

Bulletin Municipal N°29